Aux papas : pour mériter l’amour de ton enfant, aime-le tendrement en premier

Nous exigeons, avec droit, le respect de nos enfants. Pourtant, une question demeure en amont :

avons-nous, au préalable, rempli notre devoir de respect envers eux ?

 

Un jour, le Prophète Muhammad (sws) reçoit chez lui un compagnon surnommé Al-Aqra’ (1). Né dans le désert d’Arabie, Al-Aqra’ est un Bédouin parmi les dignitaires de sa tribu, les Banû Tamîm. Il fut élevé de façon rustique et a reproduit une telle éducation sur ses propres enfants. Lors de sa visite chez le Prophète Muhammad (sws), sa conception de la relation entre un père et ses enfants se trouve être remise en question.

L’assise du Prophète Muhammad (sws) avec Al-Aqra’ est interrompue par l’arrivée de Hasan, le petit-fils du Prophète Muhammad (sws). L’enfant court vers son grand-père et le Prophète, envoyé comme une miséricorde à l’ensemble de la création, le prend dans ses bras, le cajole, et… l’embrasse. Al-Aqra’ est déconcerté face à une situation tout à fait singulière : un HOMME qui fait preuve d’affection ?! un HOMME qui exprime son amour à son petit-fils ?! Al-Aqra’ marque alors son étonnement, haut et fort : « Ô Messager de Dieu ! J’ai moi-même dix enfants. JAMAIS je n’ai embrassé l’un d’entre ! »

C’est au tour du Prophète d’être interloqué... JAMAIS tu n’as embrassé ton enfant (2) ! Quel cœur de pierre peux-tu bien avoir... Le Prophète Muhammad (sws) continue à le regarder puis exprime résume son opinion dans cet aphorisme (3) :

« Celui qui n’a pas de clémence ne peut espérer en recevoir.
من لا يَرحم لا يُرحم - man lâ yarham, lâ yourham ! »
— Prophète Muhammad sws
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De cette tradition prophétique et bien d’autres, les savants en ont tiré un précepte essentiel :
bir al-walad qabl bir al-wâlidayn. C.-à-d. que le respect dû aux parents en islam est précédé du respect dû à l’enfant — de la part de ses parents.

Je vais, pour illustrer le propos, donner cinq cas de figure où l’on peut voir d’un côté un homme qui agit en père miséricordieux et d’un autre côté un homme qui perd son affection — et par là même son enfant.

  1. Accompagner

Il est un parent qui fait rentrer la terreur avec lui à la maison.. L’enfant sursaute à la voix de son père, éteint l’écran, se fait tout petit, obéissant. Il est un autre parent qui reçoit l’accueil chaleureux de son enfant : celui-ci court se jeter dans ses bras parce que son papa l’ACCOMPAGNE dans ses activités. Un papa qui connaît Call of Duty, qui amène son enfant au hockey, qui joue à la poupée, etc. et il transmet, éduque, freine les élans de mal et encourage le bien.

2. Partager

Il y en a qui fuient la maison pour se réfugier à l’extérieur, à Tim Hortons ou à la mosquée par exemple. Il y en a d’autres qui sortent selon leur planification et leurs rendez-vous et qui s’empressent de revenir à la maison PARTAGER à leur enfant ce qu’ils étaient partis faire : il ramène une douceur de timis à son enfant ou réserve une partie de ses prières avec lui (il accomplit ses prières surérogatoires avec son enfant et clôture ces moments de recueillement avec un câlin où ils récitent tous deux des invocations et des louanges).

3. Sécuriser

Il en est des papas qui inculquent une vision sévère de la religion, à tel point que l’enfant développe un rejet de celle-ci (assommé, notamment, à coups de HARAAAM injustifiés). Il en est d’autres qui font de la religion un havre de paix et de SÉCURITÉ (salâm). Ils créent même des jeux avec le fait religieux.

4. Encourager

Il y en a qui font tellement pression pour que l’enfant ferme l’ordinateur et ouvre le livre qu’ils en obtiennent des effets pervers et instaurent un climat de soupçons (exemple. caché derrière un livre, l’enfant joue au portable). Il y en a d’autres qui ENCOURAGENT subtilement les efforts à la lecture. Par exemple, ils instaurent une règle interdisant d’incommoder l’enfant qui lit : oui, l’enfant peut en faire une stratégie refuge, mais à force, il prendra goût à la lecture et entretiendra la joie de lire.

5. Éveiller la curiosité

Il y en a qui font de l’expérience d’une visite « sérieuse » (exemple. musée, vestiges de civilisations, etc.) un désastre. Il y en a d’autres qui planifient les sorties pour marier le sérieux au divertissement. Ils préparent feuilles et crayons, ils se documentent, préparent la narration… bref, ils font de l’apprentissage une vraie gratification et afin que leur enfant continue à s’initier, ils sèment la CURIOSITÉ dans leur esprit.

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Ces illustrations dévoilent l’importance d’accompagner, de partager, de sécuriser, d’encourager et de semer la curiosité. Autant d’attitudes où l’affection, la complicité et l’amour se manifestent de la part du père et se déversent sur l’enfant.

Pour achever le tableau, je suis certain que, agissant de la sorte, la sagesse prophétique prendra effet dans notre vie : nous serons englobés de la miséricorde divine, nous recevrons la clémence et l’amour de nos enfants, nous nous ferons une joie indescriptible à nous retrouver auprès du Messager de la Miséricorde. Puisse Dieu nous accompagner dans ce cheminement et nous faire vivre selon la sagesse prophétique et la loi divine. Amîn.


(1) Al-Aqra’ se prénomme Firâs ibn Hâbis. Il est davantage connu sous son surnom, Al-Aqra’, signifiant celui qui a perdu ses cheveux.

(2) Une version du hadith ajoute que Al-Aqra’ n’a jamais embrassé quiconque ! (cf. Ibn Hajar dans « Fath Al-Bârî »).

(3) La tradition prophétique est notamment rapportée par Al-Bukhâri (n.5652) : Abû Hurayra rapporte : « Le Prophète (sws) embrassa Hasan ibn ‘Ali en présence de Aqra’ Ibn Hâbis. Aqra’ dit alors : « J’ai dix enfants et je n’en ai jamais embrassé aucun ». Le Prophète (sws) le regarda et lui dit : « Il ne sera pas fait clémence à celui qui ne se montre pas clément. » (trad. de Zakaria Makri dans « Les Jardins des Vertueux », hadîth n.225).